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LEGAL STRATEGY
23 octobre 2012

Gerrilla marketing : L'utilisation de l'illégalité à des fins de publicité et de marketing


Le comportement illégal d'une entreprise dans sa démarche publicitaire peut parfois se révéler profitable à court terme par une visibilité accrue mais va souvent être désastreuse en terme d'image pour l'entreprise. Elle est donc souvent déconseillée. Toutefois, il arrive que des entreprises puissent utiliser cet outil de l'illégalité et ne pas subir de perte d'image car cette illégalité du comportement va correspondre à l'image que diffuse cette entreprise.  

Lors de l'assemblée plénière du Business and Legal forum le 18 octobre 2012, Daniel Lebegue, le président de l'Institut Français des Administrateurs (IFA) indiquait en effet que l'éthique consistait à adopter « un comportement conforme aux valeurs qu'elle affiche ». Or, il est parfaitement possible que ces valeurs soient celles d'une transgression de la norme ou d'un comportement immoral. Dans ce cas, l'entreprise ne subira aucune perte d'mage si elle adopte un comportement illégal ou immoral. Au contraire, le fait de défier la norme établie pourra avoir pour effet de renforcer l'image de l'entreprise. Ainsi un site de téléchargement illégal pourra sans difficulté communiquer sur l’illégalité de son comportement et justifier celle-ci par sa propre éthique réactionnaire. Les partis politiques français dont la ligne de conduite est celle d'une contestation de la norme établie adoptent également ce type de comportement alors que celui-ci ternirait l'image des partis politiques dits traditionnels.  Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, ne manque pas une occasion de promouvoir le « hacker way » comme modèle de comportement. L’évolution de l’entreprise peut la conduire à faire évoluer également son comportement. L’entrée en bourse et la maturité de Facebook conduiront probablement celle-ci à réviser ces valeurs et son comportement. Il y a trois ans, l’un des premier articles de ce blog mettait en lumière « l’apologie de l’illégalité » des fondateurs de Michel et Augustin, qui avaient mené une opération de communication « illégale » dans les couloirs du métro parisien et s’en étaient ensuite vantés dans un magazine, alors que quelques années plus tard la même entreprise communique sur l’importance de ses valeurs et de son éthique.    

Les entreprises qui se présentent comme contestataires d'un ordre établi pourront ainsi parfois adopter avec succès un comportement immoral ou illégal.
Dans un article publié en 2011, j'avais pu démontrer comment la Ryanair instrumentalisait la justice pour bénéficier d'un gain d'image. La compagnie aérienne avait en effet utilisé l'image du couple Carla Bruni/Nicolas Sarkozy dans une de ses publicités diffusée une fois dans le Parisien. Le président en exercice avait demandé seulement l'arrêt de la publicité, sa compagne demandant à titre de dommages et intérêts la somme de 500.000 euros, correspondant au cachet que celle-ci aurait obtenu si elle avait légalement accepté l'utilisation de son image. Avec une dépense d'une seule publicité diffusée, Ryanair bénéficiait ainsi d'une communication importante puisque l'information était reprise par l'ensemble des média. Ryanair bénéficiait en outre d'une campagne basé sur des images exclusives. Carla Bruni et Nicolas Sarkozy, président en exercice, n'auraient en effet jamais accepté à quelque prix que ce soit de permettre l'utilisation de leur image à des fins publicitaires par Ryanair. Le risque juridique était maîtrisé puisque la condamnation pour l'utilisation illégale de ces images était tout au plus l'arrêt de la publicité et la condamnation à 500.000 euros, soit la moitié du coût d'acquisition "légal" de ces images si on évalue l'image du président au même niveau que celui de sa compagne.
Mieux encore, Ryanair arrivait à démontrer aux juges que la compagnie aérienne avait certes utilisé illégalement l'image du couple présidentiel, mais que ceux-ci avaient laissé plus de 5.000 clichés de leur couple être diffusés dans des médias à travers le monde. Le juge reconnaissait donc la violation du droit à l’image mais limitait la condamnation à seulement 60.000 euros à Carla Bruni. Ryanair s'empressait de présenter des excuses publiques et d'annoncer qu'ils allaient verser une somme équivalente à une œuvre de charité. Cette nouvelle annonce alimentait de nouveau le buzz, celle-ci étant reprise une fois de plus par l'ensemble des média. Ryanair rappelait dans chacune de ses communications le fait qu'ils étaient l'une des meilleures compagnies low cost du marché. Du fait de l'image anticonformiste de la compagnie aérienne, celle-ci bénéficiait non seulement d'une campagne de publicité nationale d'ampleur pour le coût d'une publicité dans un seul journal et d'une indemnité correspondant à 12% du coût des images utilisées, mais de plus sans perte d'image et peut-être même avec une image renforcée.   
Une démarche publicitaire équivalente a été utilisée lors du lancement en France fin octobre 2012 du site de rencontres extra-conjugales Ashley Madison. Le site instrumentalisait l'image des présidents François Miterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sakozy et François Hollande, présentés avec un baiser de rouge à lèvres sur le visage. Il diffusait de manière tout aussi illégale cette publicité sur des bâches réparties en plusieurs endroits de Paris. Une manière de contourner également le refus de l’ensemble des diffuseurs de prendre la responsabilité de présenter cette publicité clairement illégale. Le site internet bénéficiait immédiatement d'un buzz important dans la plupart des médias télévisés et journaux de presse. Sans aucun autre coût que l'impression que quelques bâches de ces images détournées, la publicité d'Ashley Madison faisait ainsi le tour des média (à commencer par ce blog qui en analyse les ressorts...). Ici encore, le risque juridique est parfaitement maîtrisé. Et ici aussi, l'entreprise de rencontres conjugales, comportement immoral s'il en est, ne bénéficiera d'aucune conséquence négative sur son image et au contraire les utilisateurs potentiels du site apprécieront le comportement immoral de l'annonceur, auquel ils pourraient bien s'identifier dans leur démarche de recherche d'une relation extraconjugale.
Dans ces cas, seul le droit pénal pourrait éventuellement se présenter comme un rempart au comportement des entreprises. Le droit de la responsabilité civile conduira en effet invariablement les entreprises dont l'image est celle de l'illégalité ou de l'immoralité à mesurer leur risque juridique et privilégier de tels outils illégaux ou immoraux de communication externe.

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Olivier BEDDELEEM
Maître de conférences à l’EDHEC Business School
beddeleemo@gmail.com
03 20 15 45 00

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