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LEGAL STRATEGY
16 février 2011

Les moyens non juridique de gestion du risque juridique...

Les étudiants en droit (mais aussi les étudiants d'école de commerce) dévouvrent souvent la distinction entre l'obligation de moyens et l'obligation de résultat à l'aide de l'exemple du médecin.

Le médecin a une obligation de moyens de soigner son patient. Son obligation se limite à mettre en oeuvre tous mes moyens nécessaires pour aboutir à la guérison, mais le médecin n'est pas responsable s'il pose le bon diagnostic, administre les médicaments adéquats mais que le patient ne guérit pas.

Le médecin a également parfois une obligation de résultat. Dans ce cas, quels que soient les moyens mis en oeuvre, le médecin est responsable s'il n'aboutit pas au résultat. Le médecin a ainsi une obligation de résultat de ne pas laisser dans le corps du médecin opéré une compresse ou un instrument chirurgical. De même, le médecin esthétique a une obligation de résultat de fournir la prestation objet du contrat.

Ces questions sont assez bien balisées en droit français et ne font pas débat. La responsabilité médicale est inhérente à l'activité même du médecin, qui dans sa carrière peut réaliser un diagnostic imparfait, ou pire peut engager sa responsabilité du fait de cette obligation de résultat alors qu'il a agi dans les règles de l'art. Nombreux sont les exemples de situations dans lesquelles une équipe médicale avait bien recompté les compresses à l'issue d'une opération mais que le recomptage avait laissé échapper un morceau de compresse. Dans ce cas, la responsabilité est reconnue en l'absence de faute et l'assurance du médecin ou de la clinique indemniseront sans difficulté. Toutefois, le caractère sensationnel de telles fautes médicales entraîne régulièrement une médiatisation importante. Les émissions de défense des consommateurs telles celles de Julien Courbet mettent ainsi régulièrement en scène le retard de versement des indemnités dues par un médecin ou une clinique. Les séquelles d'une opéraiton subie par Johnny Halliday font l'objet d'une bronca contre le chirurgien prétendument fautif.

Or, un élément important du management du risque juridique repose sur des éléments non juridiques tels que le comportement ud médecin confronté à la réclamation du client. Des études ont en effet démontré que la propension à assigner dépendait de l'attitude de l'auteur de la faute [Note 1]. La victime assignera plus facilement si elle a l'impression que l'auteur de la faute a eu un comportement moralement condamnable. 

Ce 16 février 2011, Nord Eclair relatait la mésaventure d'Anne, patiente lyonnaise d'un chirurgien qui a pratiqué une abdominoplastie [Note2]. Lors de l'opération, l'équipe médicale a oublié une pince chirurgicale. Le chirurgien a attribué les douleurs abdominales à des suites normales de l'opération, et lorsque la pince a transpercé le nombril un vendredi soir six mois plus tard, la clinique a proposé à la patiente d'attendre le lundi suivant pour rencontrer le chirurgien. ce n'est qu' "à force d'insistance de son avocat", relate le journal, qu'elle obtiendra que le chirurgien la réopère. Le chirurgien, conscient que cet aléa peut se produire et qu'il a souscrit une assurance pour cela, s'est permis de prendre cet événement avec philosophie en évoquant un "oubli", "rien de bien dramatique" et en allant même jusqu'à plaisanter en déclarant qu'elle avait droit à une opération gratuite pour la Saint-Valentin.

Le juriste, comme le médecin, relativisera en effet cette mésaventure. Il ne s'agit finalement que d'un malencontreux oubli, qui plus est assuré et donc dont les conséquences financières seront réparées.

Cependant, oublier la dimension émotionnelle de cette faute médicale va nécessairement entraîner la colère de la patiente. C'est ce que révèle la fin de l'article. L'avocat de la patiente, maître Jean Sannier, déclare en effet que sa "cliente estime que le médecin a des comptes à rendre et entend le poursuivre au pénal". Ce langage démontre bien que ce que cherche la patiente n'est pas l'indemnisation de son préjudice, mais bien la reconnaissance de culpabilité par le médecin dont elle fustige la "désinvolture".

D'ailleurs, le médecin continue en déclarant que "si le comportement du médecin venait à être modifié, il n'est pas certain qu'elle reste sur ce positionnement".

Le comportement du médecin lors de la révélation de la responsabilité médicale est dès lors un élement fondamental de la gestion du risque juridique. Si les médecins accueillent l'émotion de leur patient, s'excusent et les rassurent immédiatement, il semble évident que le risque de responsabilité pénale des médecins sera très largement réduit.

C'est donc un élément comportemental, et non pas l'outil juridique de l'insertion d'une clause dans un contrat par exemple, qui sera un élement central du management par le médecin de son risque juridique [Note3].

Plus d'informations sur la stratégie juridique des entreprises : http://legalstrategy.canalblog.com

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Olivier BEDDELEEM

Maître de conférences à l'EDHEC Business School

beddeleemo@gmail.com

[Note1] Grégory Maitre (préface Horatia Muir Watt), "La responsabilité civile à l'épreuve de l'analyse économique du droit", LGDJ, 2005

[Note2] "Une pince dans le ventre", Nord Eclair, 16 février 2011, p36, http://www.nordeclair.fr/France-Monde/France/2011/02/16/une-pince-dans-le-ventre.shtml

[Note3] Sur le traitement non juridique du risque juridique, voir C. Collard et C. Roquilly, "Les modes de traitement du risque juridique", in "La performance juridique : pour une vision stratégique du droit dans l'entreprise", LGDJ, Lextenso éditions, 2010, p. 151s

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