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LEGAL STRATEGY
14 octobre 2010

3 Suisses et le risque juridique : la faute de frappe à 600.000 euros !

Le droit de l’Internet se met en place petit à petit.

En droit du marketing, les règles sont assez connues qui prévoient que le distributeur est lié par le prix affiché en magasin. Ainsi, le client d’Auchan qui voit dans le magasin un ordinateur affiché à 300 euros, et qui passe en caisse à 400 euros, pourra obtenir le paiement du prix le plus bas. De même, l’affichage dans un prospectus d’une information constituera une offre qui liera le distributeur.

Depuis plusieurs années également, la jurisprudence a admis que le distributeur qui affiche un mauvais prix peut le modifier et ne pas être lié par les clients futurs. De même, le distributeur qui a commis une erreur d’impression de son prospectus peut diffuser ou placer à l’entrée de son magasin un erratum.

Ces questions ne s’étaient pas encore présentées de manière claire dans le cadre d’un site de vente en ligne (voir l'analyse de T.I. Strasbourg, 24 juillet 2002, Dalloz, 2003, n° 35, note Cedric Manara). C’est logiquement l’un des plus importants distributeurs en ligne, le groupe de vente par correspondance (VPC) les 3 Suisses, qui a subi la première attaque médiatisée.

Août 2009. Les Trois Suisses diffusent une annonce pour un téléviseur LCD de 132 cm à 179 euros au lieu de 1799 euros. Immédiatement, des clients commandent, certains appellent et obtiennent confirmation du prix par les opérateurs des Trois Suisses, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre sur l’Internet et les commandes affluent. Le temps que le distributeur réagisse, plusieurs centaines de commandes ont été passées.

Avec l’aide d’un avocat messin, Arnaud Zuck, 400 clients demandent la livraison des téléviseurs. Les plaintes étant individuelles, le montant de leur demande n’excède pas 4000 euros puisque chacun demande la livraison d’un téléviseur à 179 euros, bien que le juge statue sur un montant total de téléviseurs d’une valeur de 719.600 euros ! Le juge compétent est donc un juge de proximité, en l’occurrence le juge de proximité de Roubaix, tribunal du défendeur ((le juge de proximité est compétent pour les litiges de montant inférieur à 4.000 euros).

L’argument de l’avocat est bien huilé. Les clients se fondent sur l’article 1134 du Code civil qui prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat est formé dès que les parties sont tombées d’accord sur la chose et sur le prix. Les Trois Suisses ont émis une offre via le site internet désignant clairement le bien offert et le prix de 179 euros. Les clients, par leur acceptation via l’Internet, ont formé le contrat et peuvent donc exiger l’exécution de celui-ci.

Les Trois Suisses ont une raison légale de demander l’annulation de la vente. L’article 1110 du Code civil prévoir en effet que le contrat peut être annulé en cas d’erreur. L’erreur peut être une erreur matérielle, telle qu’une mauvaise retranscription par exemple. Ainsi, dans cette affaire, les Trois Suisses se fondent sur « une erreur d’affichage » et un prix « manifestement dérisoire » pour prétendre obtenir la nullité de la vente.

Cet argument doit-il être entendu par le juge, alors que l’avocat des acheteurs prétend que « il n’y a pas d’erreur manifeste de la part des 3 Suisses. L’offre est réelle puisque nous avons un prix barré avec le montant de la remise, -90%, ce qui n’est pas extraordinaire à cette période de l’année » ? Les demandeurs avaient un dossier solide avec les opérateurs du distributeur qui ont confirmé la promotion, un distributeur habitué sur son site à proposer des remises importantes et une relation professionnel-consommateur qui en droit français entraîne souvent une décision du juge favorable au consommateur.

L’argument de la bonne foi des 3 Suisses et de l’erreur manifeste d’affichage a toutefois convaincu le juge de proximité du tribunal d’instance de Roubaix. Nord Eclair, mercredi 13 octobre, annonce que les plaignants ne devraient pas interjeter appel. Une bonne nouvelle indéniablement pour le groupe de distribution, même si le chercheur en droit aurait été curieux de voir l’analyse de cette situation par la Cour de Cassation.

Un excellent exemple, quoi qu’il en soit, de l’ampleur du risque juridique que peut faire courir à l’entreprise un salarié distrait qui, parmi les centaines de références qu’il saisit tous les jours sur le site internet du distributeur, oublie une virgule ou un chiffre.

Plus d’informations sur la stratégie juridique des entreprises : http://legalstrategy.canalblog.com

Olivier BEDDELEEM

Maître de conférences à l’EDHEC Business School

beddeleemo@gmail.Com

3 Suisses and legal risk : When mistyping may cost 600.000 euros !

Law on the Internet is in a process of creation.

In French marketing law, the rules are pretty well known. A distributor is bound by the price displayed in his shop. Therefore, a client of Auchan who sees a computer in a shop advertised for 300 euros may refuse to pay 400 euros if the change of price was registered but not displayed. The same is true for an advertisement that could be binding for the distributor.

For years now also, courts have accepted exceptions and that a distributor that displays a wrong price may modify it and not be bound to future clients. A distributor who committed a mistake in the advertising may also modify it by publishing an erratum or displaying this erratum at the entrance of the shop.

These questions where however still not clearly set regarding online selling (see a first analysis T.I. Strasbourg, 24 juillet 2002, Dalloz, 2003, n° 35, comment by Cedric Manara). It is logically an important online seller, 3 Suisses, that was sued for this question.

In August 2009, 3 Suisses displays on its website advertising for an LCD 132 cm television for 179 euros instead of 1799 euros. Immediately, clients order this TV, some call the company and get confirmation that the price is 179 euros, people speak about this on the web and several hundreds of people order before 3 Suisses notices this mistake and changes its price.

With the help of a Metz Lawyer, Arnaud Zuck, 400 clients ask for the delivery of the televisions. These claims are individual claims, and each of them does not exceed 4000 euros as each clients claims the delivery of a 179 euro good, even if the judge gives a judgment worth 719.600 euros. The judge is therefore a Roubaix proximity judge, Roubaix being the defendant’s tribunal and the claim being under 4000 euros.

The clients argue that they should get delivery as art 1134 of the Civil code states that « conventions legally concluded are the parties’ law ». The contract is concluded as the parties agreed on the thing and the price. 3 Suisse displayed an offer, their website clearly stating the thing and the 179 euros price, and offering to order online. The clients, by accepting through the Internet, therefore formed the contract and can ask for specific performance.

3 Suisse have a legal argument for refusing to deliver. Art 1110 of the Civil Code states that a contract may be cancelled in case of mistake. A mistake can be a material mistake, like a mistyping. In this case, 3 Suisses therefore argue that there was a mistake in the display of the information and that the price was clearly inadequate. The contract would therefore be void.

Should the judge hear this case, whereas the buyers’ lawyer argues that “there was no mistake by 3 Suisses. The offer is real as there is a modified price with the amount of the rebate, 90%, which is not extraordinary in that period of time”. The buyers had a good case as 3 Suisses employees confirmed that the price was the good one, 3 Suisses is used to having such important rebates, especially just after sales time, and there is a relation between a professional and a consumer that in French law often leads to a decision in favour of the consumer.

The argument of 3 Suisses that they behaved in good faith and that is was a material mistake however convinced the judge. Nord Éclair, on Wednesday, October 13, says that the client plan not to appeal this decision. It is undeniably good news for the distributor, even if the researcher in law would have been curious to see how this situation would be analyzed by the Court of cassation.

An excellent example of the amount of legal risk that a company can face due to the negligence of an employee who, among hundreds of information he or she types during one day on a distributor’s online selling website, forgets a number of a coma.

More information about companies’ legal strategy : http://legalstrategy.canalblog.com

Olivier BEDDELEEM

Research lecture rat EDHEC Business School

beddeleemo@gmail.com

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Commentaires
C
Très bon ce titre !
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